Ce top model a délaissé les podiums pour combattre le V.I.H. en Afrique. L’ambassadrice de l’Institut Pasteur vient d’être nommée porte-parole humanitaire de l’Union européenne. Elle nous livre son quotidien au Malawi. Sa terre, sa bataille.
En Afrique, je vis au rythme du soleil. Vers 5 h 30, je sens les premiers rayons sur mon visage, j’entends les piaillements des oiseaux et les cris des babouins, alors, je me lève. Je prends une douche rapide, j’enfile un T-shirt, un bermuda et des sandales… que j’envoie valser au bout de cinq minutes car j’aime trop marcher pieds nus. Dès que je sors de l’ancienne Mission House, où je loge, à Ngodzi, je suis plongée dans la vie du village. Je lance « Muli bwanji » (« Bonjour ») et les enfants me répondent « Hello, sister ». Il me suffit de voir les silhouettes des pêcheurs sur le lac Malawi pour replonger aussitôt dans mon enfance.
Se sentir bien chez soi
Je suis née juste à côté, à Beira, au Mozambique, au bord de l’océan Indien. Mon père, Fernando, était ingénieur, issu d’une grande famille du Portugal, et ma mère, Jacqueline, était la descendante d’un roi d’Ecosse. Je me souviens de tout. Des jeux avec mes copines africaines, de ma mangouste (mon animal de compagnie), mais aussi de la guerre civile qui nous a chassés du Mozambique, puis de la Rhodésie (l’actuel Zimbabwe, ndlr) quand j’avais 14 ans. Toute ma famille s’est exilée au Portugal, puis au Canada. J’aurais pu devenir amère, méfiante. Mais, non. Je n’en veux à personne. Quand je suis ici, je me sens chez moi.
Un hôpital de la générosité
A 8 heures, il est temps de partir à la maternité de Kasese, à une heure de route. Je grimpe dans la Jeep du Dr Brooks. C’est un médecin canadien formidable. Ici, tout le monde le surnomme « Brooksie » ou « l’Azungu » (« le Blanc »). Il a implanté deux cliniques au Malawi et a aidé mon association, Amor*, à ouvrir cette maternité, en avril dernier. Je me suis tellement battue pour la faire construire que la première fois, quand j’ai vu les bâtiments, plantés au milieu de nulle part, j’ai pleuré. Résultat : quatorze lits, dix infirmières, quarante accouchements par mois… Le but est de réduire la mortalité maternelle et d’aider les femmes séropositives à ne pas transmettre le sida à leurs enfants, grâce à un traitement spécial. Au début, les mauvaises langues me disaient : « Tu ne trouveras pas d’argent. » J’ai réuni 300 000 euros. Louis Vuitton soutient beaucoup mon association. Cela fait dix ans que je bosse dans l’humanitaire. Alors, c’est vrai, j’ai été mannequin pendant treize ans, je suis l’image de Nivea (pour DNAge, ndlr), je vis à Monaco… et je m’en sers. Vendre mon visage pour une cause, je l’assume totalement.
* Amor (Aide mondiale orphelins réconfort) : > www.amorinternational.org
Combattre le sida
A midi, en général, je partage un repas avec l’équipe médicale, une sorte de pot-au-feu épicé avec du riz. L’après-midi, je vais voir notre unité mobile : un simple camion sous un arbre dans lequel sont distribués des médicaments. Pendant les consultations, je me mets à genoux au milieu des enfants. Ils touchent mes cheveux, je les prends dans les bras. Le soir, direction Lilongwe, la capitale. En général, le Dr Brooks m’invite chez lui pour boire un gin tonic avec son épouse, Heather, et sa fille Chloe. Assis dans des hamacs, on refait le monde et on mesure l’ampleur de notre tâche : au Malawi, plus de 14 % de la population est séropositive.
Porter un regard bienveillant sur le monde
Avant de me coucher, j’aime marcher dans la savane. Je pars avec un guide. Sur la route, il n’est pas rare de croiser des rhinocéros, des singes… Avant de m’endormir, vers 23 heures, je passe un coup de fil à ma maman, qui vit au Canada. C’est elle qui m’a transmis son regard bienveillant sur le monde. Elle et ma petite soeur, Pamela. Pour l’instant, je ne partage ces moments précieux avec personne d’autre. Je n’ai pas d’enfant mais je suis heureuse. Car je pense au premier bébé né dans notre maternité, le 6 août dernier. C’est une fille et elle s’appelle Tasha.